ou la naissance de L'utopie

Manifeste pour une nouvelle Youtoubia[1]

Caroline Moreau

2009

            À l’instar du foie de canard, la vie a été gavée par la société de consommation, devenant elle-même un bien consommé chaque jour. Au moment où ce monde de communication foisonne de moyens pour favoriser les échanges entre les divers habitants, force est de constater que nous communiquons de plus en plus mal et de moins en moins. La qualité des communications se dégrade et devient souvent négative. La surconsommation a pollué les esprits avec ses plats prêt-à-servir chauffés par les micro-ondes du capitalisme voulant régir et contrôler les individus de façon à ce qu’ils puissent servir au mieux cette idéologie productiviste. De tous les temps, l’échange intellectuel, philosophique, culturel, politique, littéraire et ludique entre humains permet de nourrir un esprit et de le développer. La consommation, quant à elle, a réduit à l’objet ou au service le plaisir qu’en retire un individu ; prenant, consommant et jetant. Aujourd’hui, plusieurs consomment de la culture, de la politique ou encore de la philosophie comme ils consomment leur coton-tige, à la seule différence que l’oreille une fois nettoyée n’est pas plus réceptive aux alternatives du monde qu’ils consomment.

            Au cours de l’Histoire de l’humanité, plusieurs mouvements artistiques, littéraires et politiques ont eu cours. Inspiré par le mouvement Dada[2], ce Manifeste pour une nouvelle Youtoubia se veut un essai contemporain qui remet en cause les contraintes idéologiques et politiques de ce monde. C’est en faisant table rase de ces concepts que la fondation d’une nouvelle civilisation sera étudiée et développée, entre autres au plan politique, littéraire et artistique.

            Certes, le concept de l’utopie a été maintes fois utilisé à plusieurs époques. Évidemment, utopie se traduit par des écrits édifiant un régime politique idéal, cette société parfaite composée d’une communauté d’humains vivant dans le bonheur et l’harmonie. L’utopie est confrontée à une véritable double définition de nos jours. Celle du rêve possible ou des idées inatteignables. Thomas More[3] a eu l’ambition d’élargir le champ du possible et c’est plutôt dans cette veine que le Manifeste pour une nouvelle Youtoubia s’inscrit. More a créé cette contrée parfaite sur une île, image symbolique qui réclame une certaine difficulté d’accès et exige des efforts à toutes personnes voulant s’y rendre. Contrairement à More, Youtoubia se développera sur un continent, le but n’étant pas de protéger la perfection de cet endroit par de quelconques barrières naturelles, mais au contraire, que le plus de gens possible soient influencés par son effet positif. Nous partons donc pour un voyage politique, social, culturel, littéraire et artistique.

Une question devient intéressante lorsque nous explorons les différents possibles. C’est de l’une d’elles que vient l’idée de Youtoubia. Comment serait le monde aujourd’hui s’il y a 10 000 ans, la civilisation débutante avait été fondée sur une utopie? C’est en questionnant l’histoire de l’humanité et la notion de destinée collective qu’est née cette interrogation. En ouvrant la porte à tous les possibles pour inventer et imaginer le développement de cette civilisation et des individus la composant, l’idée de Théodore Monod devient aussi une partie de celle de Youtoubia « L’utopie est simplement ce qui n’a pas encore été essayé ! »[4]

En questionnant les principes et les règles établies, en redonnant les lettres de noblesse à certains droits perdus ou périclitant de façon indigne et à certaines valeurs abîmées ou perverties de la société contemporaine, Youtoubia sera une terre de lumière où se cueillera les possibles d’une humanité en devenir, qui, du haut de ses 10 000 ans d’âge, éblouira de son imaginaire le conformisme et l’endoctrinement politique actuel.  A quiconque critiquera le bien-fondé d’une nouvelle Youtoubia, après toutes ces utopies qui ont déjà été esquissées, ce manifeste répondra : « Depuis quand avez-vous perdu votre droit de rêver ? »